Scènes de ménage à Bruxelles

Pascale Michel devant sa boutique Scènes de Ménage à Bruxelles

J’aime sa petite boutique bruxelloise car elle ne ressemble à aucune autre. Elle est remplie de vaisselle, surprises, couleurs, motifs et beaux tissus. Une mine d’or dont l’ambiance unique déborde sur le trottoir. Si vous avez un cadeau à faire, à n’importe qui, c’est ici qu’il faut aller, vous trouverez forcément quelque chose de beau et d’original.

Ses vitrines sont ma passion. Un jour on est plongés dans une salle à manger champêtre, l’autre dans un salle de bain monochrome, une chambre exotique. C’est gai, les passants s’arrêtent, se projettent… et souvent, c’est si beau qu’ils achètent. 

Dans un monde qui va un peu vite, j’apprécie son esprit jusqu’au boutiste, l’attention qu’elle porte aux moindres détails : quand Pascale change la vitrine de son magasin, elle change tout, même la couleur de la peinture et le motif du papier peint.

“J’adore toutes les faire, c’est comme un artiste qui peint une toile. Tout d’un coup, ça sort, c’est une impulsion.”

Je lui ai posé quelques questions par téléphone pour mieux comprendre sa vision de la déco. Voici ce que je retiens de notre conversation :

  • Pascale compare la décoration à des dîners, qui deviennent plus sympathiques quand on mélange les âges et les cultures et que l’on essaye de trouver des liens. Même si des liens, il n’y en a pas forcément. “Ici, c’est éclectique mais j’aime tous les objets séparément. Un grand plat chiné qui à mon avis vient de l’Est, un Kanta brodé qui vient d’Inde, des maniques qu’une cliente crochète avec ferveur, des asperges françaises d’une céramiste bien âgée...

  • Pour elle, c’est la différence qui nourrit l’ambiance. C’est ça qui rend la chose très vivante, c’est d’avoir ce mélange infini qui fait que les objets parlent entre eux. Chaque pot, chaque tasse, chaque objet est choisi, souvent unique, et mis avec d’autres pour raconter une histoire et donner plus de goût à ce qui fait notre quotidien.” Résultat : les lieux s’expriment. D’ailleurs, “c’est incroyable comme de bouger les objets dans d’autres lieux raconte d’autres histoires”, s’étonne-t-elle, “quand je vois des choses du magasin chez vous, je les vois autrement.

  • Plus qu’une expo ou un livre, ce sont les brocantes qui lui donnent des idées. Un objet, une couleur, une mise en scène. Et dans la rue, elle scanne le moindre détail, “il y a toujours quelque chose qui arrête mes pas et me touche”.

  • Elle n’essaye pas que ce soit beau. Que représente votre maison, pour vous, Pascale ? “C’est l’endroit où j’ai envie d’être, de recevoir, de jouer. Je n’essaye pas que ce soit beau. La règle, c’est le cœur : j’ai des coups de cœur et je les mets en scène. J’essaye juste que ce soit chaleureux.” 

    Pour que ce soit chaleureux, Pascale s’interroge : “sans doute ne faut-il pas avoir un intérieur pour montrer ce qu’on a, mais pour montrer ce qu’on est”. Et elle confirme : “Je suis farfelue, comme mes cheveux, et je pense que ça se reflète dans ma boutique et chez moi.”

  • Tout l’émerveille. Elle a beau me dire “que les objets se mettent tout seuls, je ne sais pas comment l’expliquer”, que “j’ai l’impression que c’est quelque chose que l’on a en soi”, que “mes parents avaient beaucoup de goût et j’ai toujours baigné dans des endroits très personnels et chaleureux”, je comprends au fur et à mesure de notre conversation que même s’il y a un peu d’inné, Pascale muscle sans cesse son talent, qui passe avant tout par une curiosité, très pure, propre à celle de l’enfance.

  • Elle n’achète presque plus de magazines de déco, pour ne pas se faire influencer. Elle aime s’amuser et être surprise : “Comme c’est ennuyeux un ciel bleu !

PS- Son compte Insta est tout simplement génial. Spontané, par formaté, drôle. ÇA FAIT DU BIEN.

Scènes de Ménage, Place Brugmann à Bruxelles

Notes to myself : 

- La dernière fois que j’ai été touchée par une vitrine ? Don’t know.  N’est-ce pas, pourtant, ce qui différencie une boutique physique d’une boutique en ligne ? La créativité d’une vitrine, une ambiance particulière, l’accueil, la relation avec les clients,… la mise en scène… Un gros travail, chronophage, que mène Pascale et son équipe. J’adore internet, mais ne pas oublier d’aller acheter en boutique !!!

- Je préfère le mot “décor” à décoration : c’est moins sérieux, ça me rappelle que ce n’est pas figé, que les scènes de nos maisons sont comme des scènes de théâtre. C’est créatif, ludique, et ça raconte quelque chose.

- Lorsque je travaillais dans la magnifique boutique de La Maison Générale à Saint-Malo (une institution ici), tous les vendeurs avaient des noms de scènes. Cela permettait sans doute de jouer un rôle, dans le bon sens du terme. Mais je m’emmêlais souvent les pinceaux. Michel, c’est toi Guillaume ?

- Plus jeune, Pascale voulait être photographe, puis paysagiste. Elle a finalement été comédienne, puis fleuriste avant d’être aux manettes de sa boutique. Ce sont tous ces métiers qui font l’esprit de son lieu et de ses vitrines, elle ne se contente pas juste de vendre, même si ça reste un objectif. Human, after all. 

- Ça me fait penser à Terence Conran, créateur d’Habitat qui avait révolutionné le magasin de déco dans les années 60. La couette, la table à tréteaux, la chaise pliable, les meubles modulables à monter soi-même (bien avant Ikea), c’est lui. Il quitte Habitat en 1989, qui est ensuite revendu à Ikea. (Habitat a fermé ses portes fin 2023, comme the Conran Shop, mais il faut bien dire, c’était plus ce que c’était !)

En tout cas, Terence Conran allait toujours plus loin que la simple présentation de ses produits. Sa première boutique = sa vision du monde. Il y avait des fleurs fraiches, une lumière hyper agréable, des vendeuses habillées par une styliste renommée (Mary Quant, l’une des créatrices de la minijupe) et coiffées par un certain Vidal Sassoon, connu à l’époque pour ses coupes modernes. Le nom du magasin, « Habitat », désignait le « milieu naturel d’un organisme ». Un lieu, donc, où les clients ont vocation à s’épanouir. Interesting !

Article extrait de la newsletter “5 choses qui mettent de bonne humeur”

Précédent
Précédent

La sélection de livres d’art du studio créatif Pièce À Part

Suivant
Suivant

Panorama Mundi, le meilleur de l’artisanat