Avoir un coin à soi, comme la designer Constance Guisset

Bureaux de Constance Guisset, © Constance Guisset

Dans cet épisode du podcast Le goût de M, la designer française parle de la façon dont elle a aménagé son espace, au cœur de ses bureaux. Je n’ai pas réussi à trouver de photo, alors imaginons-le grâce à l’extrait qui suit.

Dans mon espace, il y a une grande bibliothèque blanche avec des lignes irisées et il y a un recoin tout noir, avec un cabinet de curiosité, beaucoup de petits objets, une banquette pour lire. Il y a aussi un mur où je colle toutes mes cartes postales, toutes mes petites choses. Je ne mets que des objets qui apportent la lumière, comme des dessins blancs sur fond noir. C’est un espace beaucoup plus foncé que le reste des bureaux. C’est comme un appel, un trou noir comme si ma pensée allait se poser, et que tout était ouvert. Je voulais faire quelque chose de très graphique et me sentir libre de penser. C’est comme un coin pour se reposer, hors de la lumière, hors de l’agitation et de l’espace commun très lumineux juste à côté. Je n’y suis pas souvent mais rien que l’existence de cette banquette et de cet endroit, rien que cet appel visuel me suffit à apaiser ma pensée.


Voici trois autres extraits du podcast : il est (aussi) question de bougies, de son héroïne Fantomette et de délicatesse.


“Ma mère avait un intérêt pour l’éducation et ce qu’elle nous transmettait mais elle avait aussi des espaces de liberté. Elle dessinait des fresques, nous faisait nos robes à smocks, et des gâteaux incroyables. Elle avait une forme de fantaisie très grande, une capacité à la désobéissance qui était réelle. Elle a aussi écrit des livres pour enfants. Elle avait une vie extrêmement remplie par ses 7 enfants et en même temps, le matin, elle se levait très tôt pour écrire, préparer sa journée. Et surtout, elle avait son endroit à elle. J’ai le souvenir de son bureau, d’un endroit où, comme elle fumait, elle allumait une bougie pour enlever l’odeur de cigarette. J’ai compris assez tard l’intérêt des bougies. A chaque fois qu’on m’en offrait, je les lui offrait car ça ne rentrait pas dans mon univers, dans mon espace. Jusqu’à ce que j’ai eu moi-même un bureau à moi et que j’ai compris que le fait d’allumer la bougie signifiait une forme de présence solitaire, concentrée. J’ai compris ce sens de la solitude choisie”.

“Fantômette est une héroïne incroyable. Elle est bonne en classe, alors qu’être bon en classe c’est pas toujours bien vu. C’est une héroïne positive, qui s'intéresse à tout, elle cherche, elle lit, elle a sa bibliothèque, elle a un sujet, elle y va. C’est une fille qui a les cheveux courts, qui a une forme de liberté, qui est hors de tous ces sujets de séduction et en même temps qui a un charme incroyable. Elle existe de deux façons différentes, dans cette rigueur de la journée et la nuit, c’est quelqu’un de très courageux. Elle adore les outils, moi aussi ! Je suis incapable de dire si je me suis construite en pensant à Fantomette ou si j’ai trouvé dans Fantomette l’écho de mes propres aspirations. Un peu des deux.”

“Il y a une forme de violence dans certains objets du quotidien, dans les arêtes vives, dans ce que l'industrie nous oblige à faire, parce que c’est plus facile de sortir des planches que de sortir des choses adoucies. C’est plus facile de dessiner un carré, un cube ou un rectangle que de dessiner des courbes libres mais quand même tendues. On est entre une forme de rigueur et une liberté. La délicatesse qui consiste à marier la tension et la rondeur demande beaucoup de travail de courbes, ce que j’appelle des courbes libres. Je trouve que dans les choix qui sont parfois faits (“ça doit tenir” “ça doit être bien épais”, “ça doit performer”...), il n’y a pas toujours beaucoup de place à la délicatesse. On ne lui fait pas assez confiance, on l'interprète mal. On dit que c’est fragile et féminin, alors que c’est un sport de combat.” 


Pour votre prochain voyage, repassage, séance de nettoyage, voici l’épisode.

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