“Intégrer la végétation à nos projets est en train de devenir la norme”
Parenthèse architecture avec Marguerite Cordelle de studiokokumi
Après avoir travaillé quelques années en tant qu’architecte d’intérieur, tu as décidé de reprendre tes études pour devenir architecte. Pourquoi ?
Marguerite Cordelle : J’ai repris des études d’architecture car j’avais envie de changer d'échelle de projet. J’aime beaucoup travailler pour des particuliers, pouvoir participer à l’amélioration de leur cadre de vie, mais j’avais envie de m’impliquer dans des projets plus engagés d’un point de vue sociétal, comme des réhabilitations dans le logement social ou des projets de réhabilitation d’écoles.
Par ailleurs, en tant qu’architecte d’intérieur, je refaisais beaucoup de restaurants. Mais au fur et à mesure des années, j’ai commencé à avoir un regard plus critique sur mon métier et sur ces lieux que je transformais. Il faut savoir, qu’à Paris en tout cas, il y a un gros turnover. Tu engages beaucoup de travaux et de matériaux mais les restaurants tiennent quelques années seulement. Tout est ensuite démoli pour créer un nouveau concept, une nouvelle adresse. Tout ce gâchis me brise le coeur et n’est plus tenable dans un contexte environnemental aussi préoccupant, surtout lorsque l’on sait que le secteur du bâtiment représente un des plus gros pollueurs. Nous avons encore beaucoup d’efforts à faire !
De plus en plus, je me demande, comme beaucoup d’autres studios, comment faire davantage attention à la question environnementale dans nos projets. Ces derniers temps, avec mon associé Mael Esnoux, fondateur de Core Architectures, nous travaillons sur un des restaurants au coeur d’un musée historique parisien. 100% des matériaux que nous avons choisis sont naturels, locaux, et nous travaillons avec des artisans français qui ont un savoir-faire exceptionnel. Nous aimerions avoir une certification environnementale, car nous avons fait attention à la moindre ressource, ce qui est très rare pour des projets d’intérieur.
Le lien avec la nature m’intéresse également. En tant qu’architecte, intégrer la végétation à nos projets est en train de devenir la norme, mais plus que ça, nous devons repenser notre manière de construire pour faire exister des bâtiments qui peuvent accueillir tous les vivants, humains ou non, en utilisant certains matériaux, en laissant des interstices pour que les animaux puissent se poser, en créant des jardins, des toitures végétalisées. J’ai découvert l’association Instant Culture qui promeut l’écologie à travers des projets d’agriculture urbaine et l’organisation d’ateliers pour les enfants. Je suis également en lien avec des associations et coopératives qui facilitent l’installation d'agriculteurs ou agriculteurs engagés pour leur proposer de développer une architecture sobre et durable pour leurs bâtiments agricoles. Je pense que le lien entre architecture et agriculture est très fort, et je m’y intéresse de plus en plus.
Réhabilitation du groupe scolaire Saint-Lambert pour l'adapter à une pédagogie active.
Pourquoi est-ce parfois plus difficile de travailler pour des particuliers que pour des restaurants, des hôtels, des commandes publiques ?
Refaire un appartement ou une maison, c’est toucher à des projets très intimes, à des endroits où nous passons beaucoup de temps. C’est sensible. C’est difficile pour des particuliers de lâcher prise, car c’est un sujet qu’ils ne maîtrisent pas. Ce que je comprends tout à fait !
Que pourrais-tu dire aux personnes qui nous lisent pour qu’un projet/un chantier se passe du mieux possible ?
Tout d’abord, de faire confiance à l’architecte. Si vous l’avez choisi, c’est que vous aimez ses goûts, ses choix, ses prises de risques. Alors, même si ça peut faire peur, il faut faire confiance. Les plus beaux projets que je sors sont avec les clients qui m’ont fait confiance.
La deuxième chose, c’est d’être honnête sur le budget et d’en établir un clair dès le début. Cela fait gagner du temps à tout le monde puisque dès les premiers rendez-vous, c’est cadré et l’architecte dessine des choses adaptées au budget de son client. Il n'y a alors aucune frustration pour l’architecte comme pour les clients.
Enfin, sur un chantier, il faut savoir qu’il y a très souvent des surprises, des problèmes. Il faut l’accepter et être à l’aise avec ça. Il vaut mieux chercher des solutions que des coupables.
Restructuration et aménagement d'un Triplex
Tu as appelé ton agence studiokokumi. Le Japon, tout comme le style scandinave, semble être une référence en architecture. Pourquoi est-ce un pays qui te passionne, personnellement ?
La sobriété de leur esthétique me touche particulièrement. Il n’y a pas souvent de superflus. Ils portent toujours une grande attention sur les détails, rien n’est jamais laissé au hasard !
J’aime le soin qu’ils apportent dans toutes les choses qu’ils font (même un paquet cadeau se doit d’être parfait). J’aime leur manière de valoriser le temps qui passe sur des matériaux, de réparer des porcelaines cassées avec de l’or pour les rendre encore plus belles (l’art du kintsugi), de célébrer la nature…
Justement, tu as entièrement rénové ton appartement il y a quelques années et on retrouve cette épure.
Oui, et cela passe beaucoup par le blanc, qui m’apaise. Dans notre appartement, nous avons beaucoup de fenêtres qui donnent sur le ciel et les toits parisiens. C’est un superbe décor que nous voulions valoriser et faire entrer dans l’appartement. C’est pour cette raison que nous avons choisi de tout faire un blanc. C’est donc surtout à travers les objets, et chez nous surtout à travers les livres, qu’on apporte de la couleur.
Chez Marguerite Cordelle
Qu’est-ce que tu ne regrettes pas d’avoir fait ?
Je ne regrette pas le chauffage au sol ! Beaucoup plus esthétique et confortable que des radiateurs. Je ne regrette pas non plus d’avoir choisi de la pierre naturelle (travertin) pour la salle de bain, ça demande peu d’entretien et c’est un matériau intemporel.
Y a-t-il des choses que tu regrettes ?
Nous n’avons pas de vraie bibliothèque alors que nous avons beaucoup de livres ! C’est le prochain élément de mobilier que nous devons dessiner.
Si tu avais 4 ou 5 références à conseiller, lesquelles seraient-elles ?
Tous les livres de l’architecte Fernand Pouillon
Fleurs et Les fruits du myrobolan de Marco Martella
L’architecture est trop sérieuse pour être laissée aux architectes, de Giancarlo de Carlo
Et Charlotte Perriand, de Laure Adler, car c’est une architecte-marcheuse exceptionnelle !