All eyes on bambou
Green School de Bali par Studio Ibuku © Tommaso Riva
Le bambou. Beaucoup connaissent, mais beaucoup ignorent aussi ses vertus. Quand on pense à ce matériau, on l’imagine sous forme de cannes rondes et on se projette souvent dans un imaginaire colonial, asiatique, tropical. Ce n’est qu’une facette de lui. Aussi costaud que souple et délicat, il est capable de très grandes choses.
Intriguée, je me suis renseignée auprès d’un spécialiste du bambou en France, Jean-Baptiste Dubois (!), fondateur de l’Atelier Déambulons et plus récemment de Studio Jean-Baptiste Dubois. Il fait en ce moment un tour de France de conférences sur le thème “Bambou, un matériau d’avenir”, destinés aux designers, architectes, paysagistes et curieux. Je vous donne les lieux et dates plus bas.
Pourquoi le bambou est-il un matériau d’avenir ?
Jean-Baptiste Dubois : Parce qu’il est écologique et a plein d’usages différents.
Il pousse sous nos latitudes. Beaucoup pensent que le bambou est importé d’Asie, pas du tout, il pousse en France, donc on peut le travailler en local.
Il pousse à une vitesse record, jusqu’à un mètre par jour. Donc si vous plantez une nouvelle bambouseraie sur un terrain nu, vous allez avoir une bambouseraie viable en à peine dix ans, alors qu’une forêt, c’est minimum 30, voire 50 ans. Le bambou absorbe plus de CO2 et rejette plus d'oxygène lors de sa pousse que n’importe quelle forêt.
C’est renouvelable à l’infini. Une fois que vous avez planté une bambouseraie, vous coupez un cinquième des bambous par an et ils se renouvellent en continu. À l’heure actuelle, en plein dérèglement climatique le bambou est une solution intéressante : on peut produire de la matière première propre et renouvelable à l’infini. Pas besoin d’eau si vous êtes dans une région où il n’y a pas de sécheresse, pas besoin de grande chaleur non plus, pas besoin d’engrais.
Le bambou a un gros système racinaire donc retient l’érosion des sols et peut aussi dépolluer ces derniers. C’est pour cette raison qu’on les plante dans les zones industrielles.
Canopée en bambou pour le Newtree café Bruxelles, Atelier Déambulons
Y a t-il beaucoup de bambouseraies en France ?
Jean-Baptiste Dubois : De plus en plus. Autrefois, en 1850, lorsque les premiers bambous étaient importés en Europe, on avait plutôt affaire à un engouement botanique. Dans les belles demeures et les maisons de maîtres, il y avait souvent du bambou au fond du jardin : c’était chic d’avoir une bambouseraie.
Depuis une dizaine d’années, il y a trois entreprises (hollandaise, italienne, française) qui plantent des milliers d’hectares en Europe. Leur business modèle est basé sur les crédits carbone, parce que le bambou a la capacité de stocker en un temps record une grande quantité de carbone. Les agriculteurs qui se lancent avec eux ont des crédits carbone, ce qui leur permet de planter pour pas très cher. Au bout de 8-10 ans, les entreprises s’engagent à racheter leurs bambous, destinés aux industriels.
Jardin Les Bambous de Planbuisson, Dordogne © Eric Sander
En Asie, on voit beaucoup de maisons en bambou, peut-on en construire en France ?
Jean-Baptiste Dubois : S’il n’y a pas de maisons en bambou en France, c’est surtout parce qu’il n’y a pas de normes sur le bambou au niveau européen contrairement à la Colombie, ou à l’Asie par exemple. Il n’y a pas de normes non pas parce que le bambou n’est pas assez solide, mais simplement parce que personne ne s’est lancé sur le sujet : ça coûte cher et ça prend du temps. Résultat : on est un peu limité dans les constructions, même artistiques, puisqu’on ne peut pas faire de choses structurelles. Aujourd’hui en France, le bambou c’est donc surtout de l’habillage.
Comment travaillez-vous avec vos clients aujourd’hui ?
Jean-Baptiste Dubois : Si le client a une idée de projet ou une inspiration, mais il ne sait pas comment la fabriquer, je l’aide à faire un cahier des charges, à définir comment on va fabriquer son projet, trouver la bonne matière première, quels traitements, quels artisans, européens ou internationaux. C’est ma casquette bureau d’études. En gros, je les aide à faire un projet qui fonctionne techniquement.
Si le client n’a pas d’idée, mais par exemple, qu’il veut aménager un hôtel, je me charge de toute l’étude design et le croquis en amont du cahier des charges.
Une fois la création terminée, on ne s’aperçoit pas forcément tout de suite qu’il s’agit de bambou. C’est ça qui me plait.
Pour aller plus loin :
En pleine ère du tout plastique dans les années 70, Gabriella Crespi (1922-2017) choisit d’utiliser du bambou, de l’osier et du bronze, ses matériaux fétiches, pour évoquer la beauté de la nature. «Je voulais créer la maison du soleil. Je n'ai pas pu m'empêcher de le faire avec du rotin et du bambou, des matières que j'affectionne beaucoup et qui allient force et souplesse, chaleur des tons doux et capacité à être traversé par la lumière. De très longs rayons donnent une impression d'infini et d'indéterminé tout comme les fourrés de canne qui s'élèvent vers le ciel le font dans la nature. ».
Table basse "Lotus leaves" bambou/bronze et chaises en bambou de Gabriella Crespi
Depuis son atelier du Val-d’Oise, la designeuse Aurélie Hoegy dompte le rotin, le bambou et le vétiver pour créer des sculptures en mouvement. Elle s’est formée seule, part en voyage pour apprendre les savoir-faire, en Indonésie et au Mexique notamment. Tout comme les artisans asiatiques, elle travaille avec son corps, pour mieux danser avec la fibre. C’est tout simplement sublime.
Le studio d’architecture IBUKU a créé une impressionnante pièce qui sert de gymnase à la Green School de Bali, une école étonnante, qui met l’écologie, le durable et l’environnement au centre de son enseignement. Une prouesse : 14 mètres de hauteur sous “plafond”, aucune colonne et sans mur, l’immense pièce est directement connectée à l’extérieur. L’arc a gagné le Dezeen Award sustainable building of the year en 2021 : « L’Arc utilise l’une des meilleures stratégies de la nature pour créer de grands espaces avec une structure minimale. Dans une cage thoracique humaine, une série de côtes travaillant en compression sont maintenues en place par une couche flexible tendue de muscles et de peau. Cela crée une enveloppe mince mais solide pour les poumons. » On respire.
Je vous conseille cette vidéo de 7 minutes, l’équilibre à l’état pur.
"It is by far one of the most beautiful epic gyms in the world" GreenSchool Bali
Prochaines dates des « Matinales du bambou » avec Jean-Baptiste Dubois, le contacter sur Linkedin directement pour avoir le lieu et horaires du RDV : Lyon le 26 septembre ; Paris le 10 octobre, Toulouse le 7 novembre, Marseille le 5 décembre 2024.